Rencontre avec Leslie Ardon

Leslie, pouvez-vous revenir pour le « Mag » sur votre long parcours depuis que vous jouez au basket

« Jai débuté le basket à 14 ans en Martinique. Très vite, je fais un stage en Métropole avec les « France » qui ont deux ans de moins que moi, pour une évaluation.  On m’a alors proposé de rester içi.  A 16 ans, je me suis retrouvée en Nationale 2 à Pau.  Ensuite, j’obtiens une bourse, je fais quatre années aux Etats-Unis. A l’époque, je pars, sans même savoir qu’on peut vivre du basket.. J’ai eu mon diplôme universitaire aux USA.  Je suis  ensuite revenu à Bourges en tant que joueuse Pro.  Je joue avec les meilleures comme Yannick Souvré et Cathy Melain. J’ai 23 ans et je me pète les croisés. L’envie me prend de jouer en Espagne.  J’avais visité  Madrid quelques mois plus tôt lors d’un match en Euroligue et j’étais tombé sous le charme de cette ville. Je me suis dit qu’il fallait que je tente l’aventure avant que la carrière s’arrête. J’y vais et j’y reste quatre ans. Une autre vie, un autre jeu, je me suis régalé. Je reviens en France quatre ans plus tard en pensant à ma reconversion, je sais que le basket ne durera pas éternellement. Il faut passer à autre chose. Retour en France donc, à Nantes pour deux saisons. Ensuite, je signe trois ans à Lyon, puis à Toulouse un an ».

La carrière aurait pu cesser plus tôt ?

« Je pensais stopper ma carrière à Nantes, sauf qu’à force d’écouter tout le monde je me suis retrouvé à Toulouse six ans plus tard… J’ai l’impression que j’en ai encore dans les jambes, mais j’ai 35 ans et je joue au basket depuis vingt ans. J’étais dans une bulle,  mais je savais que je devais passer à autre chose ».

Et alors ?

« On a beau s’y préparer, mais c’est comme une pré-saison, on sait qu’on va en « chier » mais quand on est dans le dur c’est trop tard.. Je me suis inscrite à une formation professionnelle et puis voilà….

Ta venue à Colomiers, c’est quoi : Une retraite en douceur, l’adrénaline de la compétition que tu n’évacues pas, l’envie de transmettre,  la peur du vide et d’avoir à affronter la petite mort des sportifs en fin de cycle ?

« La petite mort je l’ai déjà connue l’an dernier à Toulouse. Je savais que l’échéance approchait. Il y a eu plein de facteur, une amie – ancienne joueuse de Colomiers- m’a retourné l’esprit,  elle m’a bien expliqué que je ne pouvais pas passer du tout au rien et elle avait raison.  Aujourd’hui, mon passage à Colomiers est libérateur. Je viens encore à l’entrainement avec plaisir. Je n’ai pas forcément les jambes que j’avais il y a vingt ans mais je vois les choses avec plus de recul et j’essaie de les transmettre. J’ai envie de me faire plaisir en essayant de partager avec les joueuses ».

 

Y a  t-il un entraîneur qui sommeille en toi ?

« Non , pas du tout. Il faut vraiment avoir la vocation. Donner des coups de mains, faire des camps de basket, j’aime bien, aider les jeunes aussi, mais au quotidien je n’ai pas la patience.   Entraîneur non ! «

Je crois savoir  que le véritable élément déclencheur a été la perte de ta grand-mère  l’an dernier

« Effectivement.  On parle là,  de la femme qui m’a élevé en Martinique lors des quinze premières années de ma vie.  Son départ a décidé du moment  pour que je passe à autre chose, que je m’occupe de moi. Un  nouveau chapitre de ma vie. Douloureux mais nécessaire ».

Vois-tu ton avenir  en métropole ou à la Martinique ?

« Sans doute en Martinique parce que j’espère y construire mon avenir professionnel. Mais je sais aussi que je ne resterai pas là bas à plein temps et que j’y ferai de nombreux aller-retour. Pour le reste, je vois mon avenir dans le tourisme sportif mais je ne veux pas en dire plus….

Une difficile reconversion ?

« J’ai fait du basket pendant vingt ans et aujourd’hui je fais l’éponge.  J’ai tellement de choses à apprendre… J’ai besoin d’apprendre, de toucher, de voir du concret. J’ai longtemps été dans une bulle, pas mal assistée, je suis contente de faire ma transition maintenant.  Avec les filles à Colomiers, ça se passe bien, il y a une bonne ambiance, il y a un équilibre qui me facilite les choses ».

Est-ce que tu parviens à te fixer encore des objectifs sportifs ?

« Avec l’équipe qu’on a, il ne faut pas se mettre trop de pression. C’est vrai qu’on a perdu des matchs qu’on aurait dû gagner. Pour l’avoir vécu maintes fois, on peut mal débuter un championnat et finir troisièmes au classement. On a tellement de potentialités dans ce groupe qu’on a eu le tort de se  reposer sur nos acquis. Dès lors, on va devoir être plus agressives. Je ne suis pas inquiète. S’il faut transmettre plus d’agressivité….on va le faire collectivement. Je ne suis pas du genre à pleurer, à m’énerver ou à faire la gueule à tout le monde après une défaite. La saison n’est pas finie.  Je suis loin d’être parfaite, je fais moi aussi des erreurs, l’idée c’est d’avancer ensemble..

Question plus personnelle sur la famille, un mari, des enfants …

« C’est compliqué comme question. Entre les USA, Madrid, Nantes, Lyon et Toulouse les hommes ne sont jamais au même endroit. Je n’ai pas eu assez de temps pour construire quelque chose dans la durée. Pour autant, j’espère avoir des enfants. Depuis toute petite, mon rêve est de fonder une famille. Le basket m’a beaucoup apporté. J’aurais pu rester en Martinique, ne jamais sortir de mon île. Aujourd’hui, je suis heureuse d’avoir croisé la route de plein de gens. J’ai appris des choses sur moi-même. Je suis riche de toutes ses expériences et n’ai aucun regret ».